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LES NOYADES
Dr Vincent HUBERT – Chef de Clinique – Assistant
Département d’Anesthésie – Réanimation Chirurgicale
C.H.U. Necker – Enfants Malades
Références
• Ronchi L, Naux E, Roussey G et Dirou S. Noyades. Encycl Méd Chir (Éditions
Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Urgences, 2000, 24-115-A-15.
• European Resuscitation Council. Advanced challenges in resuscitation. Section 3 : special
challenges in ECC. 3B : submersion or near-drowning. Resuscitation, 2000, 46, 273-7.
• Wolkiewiez J, Kaidomar M, Grimaud D. Accidents de plongée. Encycl Méd Chir (Éditions
Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Urgences, 1995, 24-119-A-10.
Introduction
La noyade demeure un accident trop fréquent
dans notre pays, alors que des mesures de bon
sens permettraient d’en diminuer nettement
l’incidence. La submersion, primaire ou
secondaire à un problème surajouté, aboutit à
l’irruption de liquide dans les poumons,
générant une hypoxémie dont la principale
conséquence sera neurologique. La prise en
charge initiale d’un noyé ne souffre aucun
retard ni aucune approximation.
L’hospitalisation est la règle du fait du risque
d’aggravation secondaire. Le traitement est
basé principalement sur la ventilation
artificielle, et sur le traitement des désordres
associés.
Épidémiologie
Environ 140.000 noyades se produisent dans
le monde chaque année. En France, la noyade
représente la quatrième cause d’accident après
les traumatismes, les intoxications et les
brûlures, et elle constitue la deuxième cause
de mortalité accidentelle. La noyade en
piscine privée génère une vingtaine de décès
annuels, essentiellement parmi les garçons de
1 à 3 ans, principalement au printemps et en
été dans le sud de la France.
Physiopathologie
Causes de la noyade
Elles se regroupent en trois catégories :
• Incapacité à maintenir la tête hors de l’eau
(noyade « primaire ») : sujet ne sachant
pas nager (chute accidentelle ou
volontaire dans l’eau), incapable de se
maintenir à l’air libre bien que sachant
nager ou ne pouvant plus fournir l’effort
nécessaire à l’émersion de sa tête hors de
l’eau (crampe ou épuisement musculaire)
• Incapacité à réagir au stimulus engendré
par le contact de l’eau (noyade
« secondaire ») : syncope ou coma de
cause médicale ou traumatique survenu
dans l’eau
• Accidents de plongée : nage en apnée
(syncope hypoxique) ou en scaphandre
autonome (accidents barotraumatiques
[surpression pulmonaire,...], biochimiques
[narcose à l’azote,…], accidents de
décompression, problèmes techniques,
panne d’air,…).
Conséquences de l’immersion et syndrome
asphyxique
• Réactions à l’immersion
Se divisent en trois stades successifs.
- Pénétration de quelques gouttes du liquide
ambiant dans l’arbre trachéo-bronchique
induisant un spasme laryngé qui va
persister 1 à 2 minutes.
- Puis, mouvements de déglutition
secondaire à l’hypoxie, à l’origine d’un
2
remplissage de l’estomac avec de grandes
quantités du liquide ambiant.
- Enfin, après quelques minutes, levée du
laryngospasme et envahissement de
l’arbre respiratoire par le liquide ambiant
sous l’effet des quelques mouvements
respiratoires agoniques persistants
Dans environ 15 % des cas, le laryngospasme
persiste malgré l’hypoxie aboutissant à la
« noyade à poumons secs ».
• « Diving reflex »
Réflexe bien mis en évidence chez les
mammifères marins entraînant, en réaction à
l’immersion de la face dans l’eau froide, une
apnée, une bradycardie et une
vasoconstriction périphérique intense
associées à une redistribution du flux sanguin
artériel au profit des territoires coronaire et
cérébral. L’existence de ce réflexe est attestée
par des travaux expérimentaux chez l’homme,
avec d’importantes variations dans son
intensité. En particulier, ce réflexe serait plus
marqué chez l’enfant et est invoqué pour
expliquer des survies en apparence
miraculeuses après immersion prolongée
(allant jusqu’à 40 minutes) en eau froide dans
cette population pédiatrique.
• Œdème pulmonaire
De gravité variable (depuis l’hypoxémie
modérée jusqu’au syndrome de détresse
respiratoire aiguë), il domine le tableau
clinique. Le mécanisme lésionnel prédomine,
et ce quelle que soit la tonicité du liquide
inhalé, avec une hypoxie à la gazométrie
artérielle.
L’eau de mer hypertonique entraîne une
lésion de la membrane alvéolo-capillaire
accompagnée de mouvements d’eau et de
protéines vers l’interstitium et les alvéoles
pulmonaires. L’eau douce inactive le
surfactant pulmonaire et génère des
microatélectasies diffuses. La présence de
chlore, aux concentrations rencontrées dans
les piscines, ne paraît pas engendrer un
facteur pronostique défavorable particulier.
Le liquide inhalé n’est pas toujours exempt de
particules solides et de germes divers,
surajoutant un risque d’atélectasie et
d’infection parenchymateuse. L’inhalation du
contenu de l’estomac, dilaté par le liquide
déglutit, au cours des manœuvres initiales de
réanimation est une éventualité fréquente et
vient aggraver encore plus la situation.
Le caractère parfois retardé des lésions
pulmonaires, expliquant les aggravations
secondaires du tableau clinique et respiratoire
au bout de quelques heures, légitime la règle
d’hospitaliser tout noyé quelle que soit la
gravité du tableau clinique initial.
Conséquences secondaires de la noyade
• L’instabilité hémodynamique est
fréquente chez le noyé. Les troubles du
rythme cardiaque sont variés, en rapport
avec l’hypoxémie ou l’hypothermie. Des
nécroses myocardiques peuvent être
également observées, en rapport avec la
décharge cathécholaminergique de la
phase de mouvements désordonnés
survenant juste après la perte de
conscience.
• L’hémodynamique est perturbé en pré-
hospitalier et durant les heures qui suivent
l’admission hospitalière du fait de
l’hypoxémie et de l’acidose métabolique
observées. Le profil hémodynamique
montre un index cardiaque bas et des
résistances artérielles élevées. Une
hypovolémie est souvent associée,
secondaire à la fuite de liquide vers
l’interstitium pulmonaire, à la diarrhée
liée à la charge osmotique de l’eau de mer
déglutie et/ou à l’hypoxie du tube digestif.
• Les troubles hydro-électrolytiques sont en
rapport avec la résorption secondaire du
liquide dégluti, les conséquences de la
diarrhée et les effets secondaires des
diurétiques éventuellement employés en
pré-hospitalier. L’acidose métabolique est
la conséquence de l’hypoxie tissulaire et
des mouvements musculaires violents à la
phase initiale. La kaliémie est
fréquemment abaissée, en rapport avec
l’hémodilution et l’hypothermie.
L’hypernatrémie, fréquemment constatée,
est en rapport avec l’ingestion d’eau de
mer, mais également la conséquence de la
diarrhée.
3
• Les lésions neurologiques conditionnent
le pronostic. L’hypertension
intracrânienne apparaît de manière
retardée, aux alentours de la 72ème
heure.
Les explorations radiologiques (TDM,
IRM) apparaissent souvent dissociées de
la gravité du tableau clinique et ne
permettent pas de poser un pronostic
fiable.
• Les anomalies de l’hémostase observées
sont variables, depuis la simple
thrombopénie isolée sans traduction
clinique, jusqu’au coagulopathies de
consommation secondaire à l’hypoxie,
l’atteinte de la membrane alvéolo-
capillaire, l’hémolyse, les complications
septiques,…
• L’hypothermie est fréquente et relève d’au
moins deux grands mécanismes. Le
premier est une perte calorique vers
l’extérieur (transfert thermique vers le
liquide ambiant de température inférieure
à la température corporelle). Ce
mécanisme est amplifié chez le nourrisson
et l’enfant en raison de l’importance
relative de la surface cutanée par rapport
au poids corporel. Cette perte calorique va
être rapidement amplifiée par un
mécanisme d’évaporation au cours de la
phase initiale de sauvetage. Le second
mécanisme est un refroidissement interne
par le liquide, principalement dégluti,
introduit dans l’organisme du noyé.
L’hypothermie est responsable d’un
ralentissement du métabolisme cérébral
(une chute d’un degré diminuant le débit
sanguin cérébral de 6 %). Elle est
responsable d’effets délétères
hémodynamiques (bradycardie avec onde
J d’Osborn pathognomonique à l’ECG,
hypo-contractilité myocardique,
vasoconstriction périphérique) et majore
le risque infectieux (en induisant
notamment une neutropénie).
Conduite d’urgence
La prise en charge initiale détermine le
pronostic de la noyade.
Dans l’eau
L’objectif principal est l’extraction du noyé
du milieu aquatique le plus rapidement
possible, le maintien de la libération des voies
aériennes supérieures devant être le plus
constant possible durant l’émersion du noyé.
La possibilité de lésions traumatiques
associées (traumatismes crâniens et/ou
cervicaux en particulier) nécessite le maintien
en rectitude de l’axe tête – cou – tronc durant
l’émersion de la victime, la mise en position
horizontale sur un plan dur une fois sorti de
l’eau et la pose d’un collier cervical de
principe durant les manœuvres de
réanimation.
Hors de l’eau
• Bilan initial
Un bilan rapide permet une première
appréciation de la situation. Il porte sur l’état
neurologique (état de conscience, score de
Glasgow), la ventilation (fréquence et
amplitude, coloration, signes de lutte) et la
circulation (présence de signes de circulation,
fréquence cardiaque, marbrures, pression
artérielle). Des lésions traumatiques associées
seront systématiquement suspectées et
recherchées. Le maintien de l’axe tête – cou –
tronc sera systématique lors des
manipulations ultérieures de la victime.
• Gestes de premiers secours
La mise en route d’une réanimation cardio-
pulmonaire est indiquée dès la constatation de
l’arrêt cardio-respiratoire : libération des
voies aériennes (qui devra être maintenue
durant toutes les manœuvres), pratique d’une
ventilation artificielle par la technique du
bouche à bouche ou du bouche à nez et
massage cardiaque externe en cas de non
réaction aux insufflations.
Des gestes non spécifiques sont toujours de
mise et ne doivent pas interférer avec la
réanimation cardio-pulmonaire :
- Déshabillage en évitant les mobilisations
intempestives,
- Installation à l’abri du vent,
- Séchage prudent sans friction, puis
enveloppement dans une couverture
isothermique.
4
• Bilan et réanimation spécialisée
Dès que le matériel de secours est disponible,
l’inhalation ou l’insufflation d’oxygène à
FiO2 = 1 est réalisé (masque facial à haute
concentration, ballon auto-remplisseur à valve
unidirectionnelle). La pose d’un accès
veineux périphérique (sérum isotonique non
sucré) et d’une sonde gastrique (permettant
l’aspiration du contenu de l’estomac et
améliorant la cinétique diaphragmatique) sont
réalisés.
Le bilan de la situation permet alors de
catégoriser le noyé dans l’un des quatre
groupes suivants :
- Aquastress : la victime a été simplement
immergée et n’a pas inhalé d’eau. Il
convient de la rassurer, de la réchauffer et
de contrôler sa glycémie. Une
hospitalisation de 24 heures en service de
médecine ou de lits dits « porte » est
nécessaire du fait d’une possibilité de
dégradation secondaire de l’état
respiratoire (inhalation liquidienne de
faible importance passée inaperçue
initialement).
- Petit hypoxique : de l’eau a pénétré dans
l’arbre respiratoire, mais les conséquences
demeurent réduites. La victime est
dyspnéique, tachypnéique et tousse. Le
pouls est rapide, l’hémodynamique est
conservée, l’auscultation pulmonaire peut
révéler quelques râles crépitants aux bases
ou quelques sibilants. L’examen
neurologique est normal, en dehors d’une
agitation anxieuse qui peut être notée. Il
n’y a pas de cyanose, la saturation
oxyhémoglobinée appréciée à l’oxymétrie
de pouls reste dans les limites de la
normale sous oxygénothérapie au masque.
Après vidange gastrique, le patient est
transporté sous surveillance médicalisée
vers l’établissement hospitalier de
destination, où il sera hospitalisé au
minimum 48 heures en unité de soins
intensifs, du fait d’une toujours possible
aggravation secondaire.
- Grand hypoxique : la conscience est de
niveau variable avec obnubilation voire
coma. Le patient présente une détresse
respiratoire avec dyspnée, tachypnée,
cyanose de degré variable, désaturation à
l’oxymétrie de pouls. L’auscultation
pulmonaire retrouve de gros râles diffus
bilatéraux. La ventilation mécanique est
nécessaire et l’intubation endo-trachéale
sera réalisée sous couvert d’une induction
anesthésique en séquence rapide après
pré-oxygénation afin d’éviter de majorer
l’hypoxie. Une pression positive de fin
d’expiration (PEP) pourra être utilisée
durant le transport afin de débuter un
traitement précoce de l’œdème
pulmonaire. Le transport sera réalisé sous
stricte surveillance médicalisé.
- Anoxique : tableau d’un arrêt cardio-
respiratoire anoxique. Le traitement est
habituellement celui d’un arrêt cardio-
respiratoire classique avec possibilité
d’effectuer une défibrillation semi-
automatique ou manuelle sans risque
particulier pour le noyé ou pour les
sauveteurs à condition de respecter les
règles de précaution habituelles.
• Mise en condition de transport
Le transport s’effectue après stabilisation de
la situation et après contact avec la régulation
médicale du SAMU qui dirigera la victime
vers le service approprié. La surveillance
durant le transport est primordiale.
Régulièrement actualisée, elle peut conduire à
des gestes complémentaires en cours de trajet
comme une intubation endo-trachéale. Un
support pharmacologique intraveineux pourra
être utilisé en cas de difficultés à maintenir la
pression artérielle de la victime, et
corrélativement la pression de perfusion
cérébrale. L’utilisation de dobutamine (5 à 15
µg/kg/mn) en association éventuelle à la
noradrénaline (0,05 à 0,5 µg/kg/mn). La
sédation permettant l’adaptation au respirateur
peut être obtenue par le midazolam (0,03 à 0,2
mg/kg/h), éventuellement associé à un
morphinomimétique (morphine, fentanyl ou
sufentanil). Les perfusions font appel aux
solutés ne majorant pas, du fait de leur
hypotonicité, les lésions cérébrales. Le sérum
salé isotonique à 9 ‰ constitue le choix de
première intention. Si un remplissage s’avère
nécessaire, les gélatines fluides modifiées et
l’hydroxyéthylamidon permettent de restaurer
une volémie.
5
Traitement hospitalier
Tout noyé doit être hospitalisé dans les
meilleurs délais, y compris les moins graves,
du fait des difficultés à évaluer précisément le
tableau initial, mais surtout à cause des
risques d’aggravation secondaire.
Aquastress
Le patient est surveillé dans un service de
médecine ou de lits dits « porte » pendant au
moins 24 heures sur des éléments cliniques
(conscience, température, pouls, pression
artérielle, fréquence et rythme respiratoires,
oxymétrie de pouls), biologique (glycémie
plus ou moins gazométrie artérielle) et
radiologique (clichés thoraciques de face à
l’admission et à la 12ème
heure). La sortie
n’est autorisée qu’au vu d’une évolution
simple, indemne de toute complication
neurologique ou infectieuse.
Petit hypoxique
Le patient est hospitalisé en milieu de soins
intensifs. Le bilan d’admission comprend au
minimum un ECG, un cliché thoracique de
face en position assise et renouvelé à 6 et 12
heures, une gazométrie artérielle, des
hémocultures, un ionogramme sanguin, une
numération globulaire et un bilan d’hémostase
(TP et TCA au minimum). La surveillance est
clinique (conscience, température, pouls,
pression artérielle, fréquence et rythme
respiratoires, signes de lutte, oxymétrie de
pouls) complété par des mesures itératives de
la gazométrie artérielle si besoin.
Les principes thérapeutiques comprennent
une restriction hydrique modérée et une
oxygénothérapie au masque à haute
concentration visant à maintenir une hématose
satisfaisante (SpO2 > 90 % pour une
FiO2 < 50 %). L’antibiothérapie systématique
n’est pas indiquée et sera guidée par les
examens microbiologiques réalisés
(hémocultures, prélèvements bronchiques
distaux protégés,…).
La survenue secondaire d’une hypoxémie
nécessite le passage en ventilation en pression
positive permanente, soit spontanée sur
masque facial étanche (CPAP1
ou VNI2
en
1
Continuous Positive Airway Pressure
VSAI3
), soit après intubation endo-trachéale.
La décision de l’intubation endo-trachéale est
dictée par l’aggravation de l’état de
conscience et l’épuisement respiratoire de la
victime.
Grands hypoxiques et anoxiques
Le patient est hospitalisé en service de
réanimation. Le traitement de l’hypoxie
repose sur la ventilation en pression positive
de fin d’expiration (PEP). Les risques de
barotraumatismes doivent être connus et
limités par des niveaux de PEP les plus bas
possibles. La position demi-assise (30°)
permet, en l’absence de désordres
hémodynamiques, d’améliorer le retour
veineux cérébral et concoure à l’amélioration
de la perfusion cérébrale.
La préservation de l’état neurologique est
l’objectif majeur, dont l’un des facteurs clés
est la restauration de l’hématose. L’apport de
solutés hypotoniques est contre indiqué afin
d’éviter l’aggravation de l’œdème cérébral.
Les solutés glucosés sont écartés du fait de
l’hyperglycémie fréquente à la phase initiale,
facteur de mauvais pronostic. La surveillance
glycémique sera régulière et le recours à
l’insulinothérapie pourra être envisagé en cas
de glycémies supérieures à 10 mmol.l-1
.
Le traitement de la défaillance
hémodynamique repose sur la correction de
l’hypoxémie, l’optimisation du remplissage
vasculaire et le support pharmacologique
inotrope positif (dopamine, dobutamine,
noradrénaline voire adrénaline) guidé par les
données du cathétérisme cardiaque droit ou
des paramètres échocardiographiques.
La correction de l’hypothermie est fonction de
la température centrale. Jusqu’à 32 °C, le
réchauffement passif externe est la méthode
de choix. Entre 28 et 32 °C, le réchauffement
actif externe est indiqué (matelas à air pulsé)
en ajustant soigneusement la volémie pour
prévenir le collapsus de réchauffement. En
dessous de 28 °C, la méthode de choix semble
la circulation extra-corporelle qui a l’avantage
de restaurer rapidement la normothermie en
maintenant une perfusion tissulaire efficace,
2
Ventilation Non Invasive
3
Ventilation Spontanée en Aide Inspiratoire
6
au prix toutefois du risque iatrogène des
anticoagulants.
Éléments de pronostic
Éléments de pronostic favorable chez le noyé
Age supérieur à 3 ans
Femme
Température de l’eau inférieure à 10 °C
Durée de submersion inférieure à quelques minutes
Absence d’inhalation
Réanimation cardio-pulmonaire débutée dans les 10
minutes après la submersion
Récupération rapide d’une activité cardiaque efficace
Présence d’une activité cardiaque spontanée à
l’admission hospitalière
Hypothermie inférieure à 35 °C, voire 33 °C
pH artériel supérieur à 7.10
Glycémie inférieure à 11.2 mmol.l-1
Score de Glasgow supérieur à 6, ou conscient à
l’admission
Réponse pupillaire présente
Les éléments de pronostic favorable sont
résumés dans le tableau.
Le pronostic est très difficile, sinon
impossible à établir. La souffrance cérébrale
en est le déterminant principal. La précocité
de la réanimation pré-hospitalière et l’effet
protecteur de l’hypothermie semble être les
deux déterminants essentiels.
Certaines situations portent un pronostic
constamment défavorable : mydriase
bilatérale, absence de reprise d’une activité
cardiaque spontanée, nécessité d’un
traitement cardiotonique lors de l’admission
hospitalière.
Conclusion
Le traitement de la noyade est avant tout
préventif. Le caractère, la plupart du temps
stupide, des circonstances ajoute un facteur
supplémentaire de culpabilité au drame de
l’accident.
La surveillance constante des nourrissons
dans les bains, des enfants au bord de mer,
l’apprentissage des règles de sécurité de la
navigation, de natation, de l’apnée et de la
plongée sous-marine devrait constituer des
acquis précoces dans l’éducation. Des
modifications législatives sont en cours en
France, rendant obligatoire la pose de
barrières de protection autour des bassins
privés (on recense en France 450.000 piscines
privées).

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Noyades

  • 1. 1 LES NOYADES Dr Vincent HUBERT – Chef de Clinique – Assistant Département d’Anesthésie – Réanimation Chirurgicale C.H.U. Necker – Enfants Malades Références • Ronchi L, Naux E, Roussey G et Dirou S. Noyades. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Urgences, 2000, 24-115-A-15. • European Resuscitation Council. Advanced challenges in resuscitation. Section 3 : special challenges in ECC. 3B : submersion or near-drowning. Resuscitation, 2000, 46, 273-7. • Wolkiewiez J, Kaidomar M, Grimaud D. Accidents de plongée. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Urgences, 1995, 24-119-A-10. Introduction La noyade demeure un accident trop fréquent dans notre pays, alors que des mesures de bon sens permettraient d’en diminuer nettement l’incidence. La submersion, primaire ou secondaire à un problème surajouté, aboutit à l’irruption de liquide dans les poumons, générant une hypoxémie dont la principale conséquence sera neurologique. La prise en charge initiale d’un noyé ne souffre aucun retard ni aucune approximation. L’hospitalisation est la règle du fait du risque d’aggravation secondaire. Le traitement est basé principalement sur la ventilation artificielle, et sur le traitement des désordres associés. Épidémiologie Environ 140.000 noyades se produisent dans le monde chaque année. En France, la noyade représente la quatrième cause d’accident après les traumatismes, les intoxications et les brûlures, et elle constitue la deuxième cause de mortalité accidentelle. La noyade en piscine privée génère une vingtaine de décès annuels, essentiellement parmi les garçons de 1 à 3 ans, principalement au printemps et en été dans le sud de la France. Physiopathologie Causes de la noyade Elles se regroupent en trois catégories : • Incapacité à maintenir la tête hors de l’eau (noyade « primaire ») : sujet ne sachant pas nager (chute accidentelle ou volontaire dans l’eau), incapable de se maintenir à l’air libre bien que sachant nager ou ne pouvant plus fournir l’effort nécessaire à l’émersion de sa tête hors de l’eau (crampe ou épuisement musculaire) • Incapacité à réagir au stimulus engendré par le contact de l’eau (noyade « secondaire ») : syncope ou coma de cause médicale ou traumatique survenu dans l’eau • Accidents de plongée : nage en apnée (syncope hypoxique) ou en scaphandre autonome (accidents barotraumatiques [surpression pulmonaire,...], biochimiques [narcose à l’azote,…], accidents de décompression, problèmes techniques, panne d’air,…). Conséquences de l’immersion et syndrome asphyxique • Réactions à l’immersion Se divisent en trois stades successifs. - Pénétration de quelques gouttes du liquide ambiant dans l’arbre trachéo-bronchique induisant un spasme laryngé qui va persister 1 à 2 minutes. - Puis, mouvements de déglutition secondaire à l’hypoxie, à l’origine d’un
  • 2. 2 remplissage de l’estomac avec de grandes quantités du liquide ambiant. - Enfin, après quelques minutes, levée du laryngospasme et envahissement de l’arbre respiratoire par le liquide ambiant sous l’effet des quelques mouvements respiratoires agoniques persistants Dans environ 15 % des cas, le laryngospasme persiste malgré l’hypoxie aboutissant à la « noyade à poumons secs ». • « Diving reflex » Réflexe bien mis en évidence chez les mammifères marins entraînant, en réaction à l’immersion de la face dans l’eau froide, une apnée, une bradycardie et une vasoconstriction périphérique intense associées à une redistribution du flux sanguin artériel au profit des territoires coronaire et cérébral. L’existence de ce réflexe est attestée par des travaux expérimentaux chez l’homme, avec d’importantes variations dans son intensité. En particulier, ce réflexe serait plus marqué chez l’enfant et est invoqué pour expliquer des survies en apparence miraculeuses après immersion prolongée (allant jusqu’à 40 minutes) en eau froide dans cette population pédiatrique. • Œdème pulmonaire De gravité variable (depuis l’hypoxémie modérée jusqu’au syndrome de détresse respiratoire aiguë), il domine le tableau clinique. Le mécanisme lésionnel prédomine, et ce quelle que soit la tonicité du liquide inhalé, avec une hypoxie à la gazométrie artérielle. L’eau de mer hypertonique entraîne une lésion de la membrane alvéolo-capillaire accompagnée de mouvements d’eau et de protéines vers l’interstitium et les alvéoles pulmonaires. L’eau douce inactive le surfactant pulmonaire et génère des microatélectasies diffuses. La présence de chlore, aux concentrations rencontrées dans les piscines, ne paraît pas engendrer un facteur pronostique défavorable particulier. Le liquide inhalé n’est pas toujours exempt de particules solides et de germes divers, surajoutant un risque d’atélectasie et d’infection parenchymateuse. L’inhalation du contenu de l’estomac, dilaté par le liquide déglutit, au cours des manœuvres initiales de réanimation est une éventualité fréquente et vient aggraver encore plus la situation. Le caractère parfois retardé des lésions pulmonaires, expliquant les aggravations secondaires du tableau clinique et respiratoire au bout de quelques heures, légitime la règle d’hospitaliser tout noyé quelle que soit la gravité du tableau clinique initial. Conséquences secondaires de la noyade • L’instabilité hémodynamique est fréquente chez le noyé. Les troubles du rythme cardiaque sont variés, en rapport avec l’hypoxémie ou l’hypothermie. Des nécroses myocardiques peuvent être également observées, en rapport avec la décharge cathécholaminergique de la phase de mouvements désordonnés survenant juste après la perte de conscience. • L’hémodynamique est perturbé en pré- hospitalier et durant les heures qui suivent l’admission hospitalière du fait de l’hypoxémie et de l’acidose métabolique observées. Le profil hémodynamique montre un index cardiaque bas et des résistances artérielles élevées. Une hypovolémie est souvent associée, secondaire à la fuite de liquide vers l’interstitium pulmonaire, à la diarrhée liée à la charge osmotique de l’eau de mer déglutie et/ou à l’hypoxie du tube digestif. • Les troubles hydro-électrolytiques sont en rapport avec la résorption secondaire du liquide dégluti, les conséquences de la diarrhée et les effets secondaires des diurétiques éventuellement employés en pré-hospitalier. L’acidose métabolique est la conséquence de l’hypoxie tissulaire et des mouvements musculaires violents à la phase initiale. La kaliémie est fréquemment abaissée, en rapport avec l’hémodilution et l’hypothermie. L’hypernatrémie, fréquemment constatée, est en rapport avec l’ingestion d’eau de mer, mais également la conséquence de la diarrhée.
  • 3. 3 • Les lésions neurologiques conditionnent le pronostic. L’hypertension intracrânienne apparaît de manière retardée, aux alentours de la 72ème heure. Les explorations radiologiques (TDM, IRM) apparaissent souvent dissociées de la gravité du tableau clinique et ne permettent pas de poser un pronostic fiable. • Les anomalies de l’hémostase observées sont variables, depuis la simple thrombopénie isolée sans traduction clinique, jusqu’au coagulopathies de consommation secondaire à l’hypoxie, l’atteinte de la membrane alvéolo- capillaire, l’hémolyse, les complications septiques,… • L’hypothermie est fréquente et relève d’au moins deux grands mécanismes. Le premier est une perte calorique vers l’extérieur (transfert thermique vers le liquide ambiant de température inférieure à la température corporelle). Ce mécanisme est amplifié chez le nourrisson et l’enfant en raison de l’importance relative de la surface cutanée par rapport au poids corporel. Cette perte calorique va être rapidement amplifiée par un mécanisme d’évaporation au cours de la phase initiale de sauvetage. Le second mécanisme est un refroidissement interne par le liquide, principalement dégluti, introduit dans l’organisme du noyé. L’hypothermie est responsable d’un ralentissement du métabolisme cérébral (une chute d’un degré diminuant le débit sanguin cérébral de 6 %). Elle est responsable d’effets délétères hémodynamiques (bradycardie avec onde J d’Osborn pathognomonique à l’ECG, hypo-contractilité myocardique, vasoconstriction périphérique) et majore le risque infectieux (en induisant notamment une neutropénie). Conduite d’urgence La prise en charge initiale détermine le pronostic de la noyade. Dans l’eau L’objectif principal est l’extraction du noyé du milieu aquatique le plus rapidement possible, le maintien de la libération des voies aériennes supérieures devant être le plus constant possible durant l’émersion du noyé. La possibilité de lésions traumatiques associées (traumatismes crâniens et/ou cervicaux en particulier) nécessite le maintien en rectitude de l’axe tête – cou – tronc durant l’émersion de la victime, la mise en position horizontale sur un plan dur une fois sorti de l’eau et la pose d’un collier cervical de principe durant les manœuvres de réanimation. Hors de l’eau • Bilan initial Un bilan rapide permet une première appréciation de la situation. Il porte sur l’état neurologique (état de conscience, score de Glasgow), la ventilation (fréquence et amplitude, coloration, signes de lutte) et la circulation (présence de signes de circulation, fréquence cardiaque, marbrures, pression artérielle). Des lésions traumatiques associées seront systématiquement suspectées et recherchées. Le maintien de l’axe tête – cou – tronc sera systématique lors des manipulations ultérieures de la victime. • Gestes de premiers secours La mise en route d’une réanimation cardio- pulmonaire est indiquée dès la constatation de l’arrêt cardio-respiratoire : libération des voies aériennes (qui devra être maintenue durant toutes les manœuvres), pratique d’une ventilation artificielle par la technique du bouche à bouche ou du bouche à nez et massage cardiaque externe en cas de non réaction aux insufflations. Des gestes non spécifiques sont toujours de mise et ne doivent pas interférer avec la réanimation cardio-pulmonaire : - Déshabillage en évitant les mobilisations intempestives, - Installation à l’abri du vent, - Séchage prudent sans friction, puis enveloppement dans une couverture isothermique.
  • 4. 4 • Bilan et réanimation spécialisée Dès que le matériel de secours est disponible, l’inhalation ou l’insufflation d’oxygène à FiO2 = 1 est réalisé (masque facial à haute concentration, ballon auto-remplisseur à valve unidirectionnelle). La pose d’un accès veineux périphérique (sérum isotonique non sucré) et d’une sonde gastrique (permettant l’aspiration du contenu de l’estomac et améliorant la cinétique diaphragmatique) sont réalisés. Le bilan de la situation permet alors de catégoriser le noyé dans l’un des quatre groupes suivants : - Aquastress : la victime a été simplement immergée et n’a pas inhalé d’eau. Il convient de la rassurer, de la réchauffer et de contrôler sa glycémie. Une hospitalisation de 24 heures en service de médecine ou de lits dits « porte » est nécessaire du fait d’une possibilité de dégradation secondaire de l’état respiratoire (inhalation liquidienne de faible importance passée inaperçue initialement). - Petit hypoxique : de l’eau a pénétré dans l’arbre respiratoire, mais les conséquences demeurent réduites. La victime est dyspnéique, tachypnéique et tousse. Le pouls est rapide, l’hémodynamique est conservée, l’auscultation pulmonaire peut révéler quelques râles crépitants aux bases ou quelques sibilants. L’examen neurologique est normal, en dehors d’une agitation anxieuse qui peut être notée. Il n’y a pas de cyanose, la saturation oxyhémoglobinée appréciée à l’oxymétrie de pouls reste dans les limites de la normale sous oxygénothérapie au masque. Après vidange gastrique, le patient est transporté sous surveillance médicalisée vers l’établissement hospitalier de destination, où il sera hospitalisé au minimum 48 heures en unité de soins intensifs, du fait d’une toujours possible aggravation secondaire. - Grand hypoxique : la conscience est de niveau variable avec obnubilation voire coma. Le patient présente une détresse respiratoire avec dyspnée, tachypnée, cyanose de degré variable, désaturation à l’oxymétrie de pouls. L’auscultation pulmonaire retrouve de gros râles diffus bilatéraux. La ventilation mécanique est nécessaire et l’intubation endo-trachéale sera réalisée sous couvert d’une induction anesthésique en séquence rapide après pré-oxygénation afin d’éviter de majorer l’hypoxie. Une pression positive de fin d’expiration (PEP) pourra être utilisée durant le transport afin de débuter un traitement précoce de l’œdème pulmonaire. Le transport sera réalisé sous stricte surveillance médicalisé. - Anoxique : tableau d’un arrêt cardio- respiratoire anoxique. Le traitement est habituellement celui d’un arrêt cardio- respiratoire classique avec possibilité d’effectuer une défibrillation semi- automatique ou manuelle sans risque particulier pour le noyé ou pour les sauveteurs à condition de respecter les règles de précaution habituelles. • Mise en condition de transport Le transport s’effectue après stabilisation de la situation et après contact avec la régulation médicale du SAMU qui dirigera la victime vers le service approprié. La surveillance durant le transport est primordiale. Régulièrement actualisée, elle peut conduire à des gestes complémentaires en cours de trajet comme une intubation endo-trachéale. Un support pharmacologique intraveineux pourra être utilisé en cas de difficultés à maintenir la pression artérielle de la victime, et corrélativement la pression de perfusion cérébrale. L’utilisation de dobutamine (5 à 15 µg/kg/mn) en association éventuelle à la noradrénaline (0,05 à 0,5 µg/kg/mn). La sédation permettant l’adaptation au respirateur peut être obtenue par le midazolam (0,03 à 0,2 mg/kg/h), éventuellement associé à un morphinomimétique (morphine, fentanyl ou sufentanil). Les perfusions font appel aux solutés ne majorant pas, du fait de leur hypotonicité, les lésions cérébrales. Le sérum salé isotonique à 9 ‰ constitue le choix de première intention. Si un remplissage s’avère nécessaire, les gélatines fluides modifiées et l’hydroxyéthylamidon permettent de restaurer une volémie.
  • 5. 5 Traitement hospitalier Tout noyé doit être hospitalisé dans les meilleurs délais, y compris les moins graves, du fait des difficultés à évaluer précisément le tableau initial, mais surtout à cause des risques d’aggravation secondaire. Aquastress Le patient est surveillé dans un service de médecine ou de lits dits « porte » pendant au moins 24 heures sur des éléments cliniques (conscience, température, pouls, pression artérielle, fréquence et rythme respiratoires, oxymétrie de pouls), biologique (glycémie plus ou moins gazométrie artérielle) et radiologique (clichés thoraciques de face à l’admission et à la 12ème heure). La sortie n’est autorisée qu’au vu d’une évolution simple, indemne de toute complication neurologique ou infectieuse. Petit hypoxique Le patient est hospitalisé en milieu de soins intensifs. Le bilan d’admission comprend au minimum un ECG, un cliché thoracique de face en position assise et renouvelé à 6 et 12 heures, une gazométrie artérielle, des hémocultures, un ionogramme sanguin, une numération globulaire et un bilan d’hémostase (TP et TCA au minimum). La surveillance est clinique (conscience, température, pouls, pression artérielle, fréquence et rythme respiratoires, signes de lutte, oxymétrie de pouls) complété par des mesures itératives de la gazométrie artérielle si besoin. Les principes thérapeutiques comprennent une restriction hydrique modérée et une oxygénothérapie au masque à haute concentration visant à maintenir une hématose satisfaisante (SpO2 > 90 % pour une FiO2 < 50 %). L’antibiothérapie systématique n’est pas indiquée et sera guidée par les examens microbiologiques réalisés (hémocultures, prélèvements bronchiques distaux protégés,…). La survenue secondaire d’une hypoxémie nécessite le passage en ventilation en pression positive permanente, soit spontanée sur masque facial étanche (CPAP1 ou VNI2 en 1 Continuous Positive Airway Pressure VSAI3 ), soit après intubation endo-trachéale. La décision de l’intubation endo-trachéale est dictée par l’aggravation de l’état de conscience et l’épuisement respiratoire de la victime. Grands hypoxiques et anoxiques Le patient est hospitalisé en service de réanimation. Le traitement de l’hypoxie repose sur la ventilation en pression positive de fin d’expiration (PEP). Les risques de barotraumatismes doivent être connus et limités par des niveaux de PEP les plus bas possibles. La position demi-assise (30°) permet, en l’absence de désordres hémodynamiques, d’améliorer le retour veineux cérébral et concoure à l’amélioration de la perfusion cérébrale. La préservation de l’état neurologique est l’objectif majeur, dont l’un des facteurs clés est la restauration de l’hématose. L’apport de solutés hypotoniques est contre indiqué afin d’éviter l’aggravation de l’œdème cérébral. Les solutés glucosés sont écartés du fait de l’hyperglycémie fréquente à la phase initiale, facteur de mauvais pronostic. La surveillance glycémique sera régulière et le recours à l’insulinothérapie pourra être envisagé en cas de glycémies supérieures à 10 mmol.l-1 . Le traitement de la défaillance hémodynamique repose sur la correction de l’hypoxémie, l’optimisation du remplissage vasculaire et le support pharmacologique inotrope positif (dopamine, dobutamine, noradrénaline voire adrénaline) guidé par les données du cathétérisme cardiaque droit ou des paramètres échocardiographiques. La correction de l’hypothermie est fonction de la température centrale. Jusqu’à 32 °C, le réchauffement passif externe est la méthode de choix. Entre 28 et 32 °C, le réchauffement actif externe est indiqué (matelas à air pulsé) en ajustant soigneusement la volémie pour prévenir le collapsus de réchauffement. En dessous de 28 °C, la méthode de choix semble la circulation extra-corporelle qui a l’avantage de restaurer rapidement la normothermie en maintenant une perfusion tissulaire efficace, 2 Ventilation Non Invasive 3 Ventilation Spontanée en Aide Inspiratoire
  • 6. 6 au prix toutefois du risque iatrogène des anticoagulants. Éléments de pronostic Éléments de pronostic favorable chez le noyé Age supérieur à 3 ans Femme Température de l’eau inférieure à 10 °C Durée de submersion inférieure à quelques minutes Absence d’inhalation Réanimation cardio-pulmonaire débutée dans les 10 minutes après la submersion Récupération rapide d’une activité cardiaque efficace Présence d’une activité cardiaque spontanée à l’admission hospitalière Hypothermie inférieure à 35 °C, voire 33 °C pH artériel supérieur à 7.10 Glycémie inférieure à 11.2 mmol.l-1 Score de Glasgow supérieur à 6, ou conscient à l’admission Réponse pupillaire présente Les éléments de pronostic favorable sont résumés dans le tableau. Le pronostic est très difficile, sinon impossible à établir. La souffrance cérébrale en est le déterminant principal. La précocité de la réanimation pré-hospitalière et l’effet protecteur de l’hypothermie semble être les deux déterminants essentiels. Certaines situations portent un pronostic constamment défavorable : mydriase bilatérale, absence de reprise d’une activité cardiaque spontanée, nécessité d’un traitement cardiotonique lors de l’admission hospitalière. Conclusion Le traitement de la noyade est avant tout préventif. Le caractère, la plupart du temps stupide, des circonstances ajoute un facteur supplémentaire de culpabilité au drame de l’accident. La surveillance constante des nourrissons dans les bains, des enfants au bord de mer, l’apprentissage des règles de sécurité de la navigation, de natation, de l’apnée et de la plongée sous-marine devrait constituer des acquis précoces dans l’éducation. Des modifications législatives sont en cours en France, rendant obligatoire la pose de barrières de protection autour des bassins privés (on recense en France 450.000 piscines privées).